Plan de l'article :
C'est l'un des arguments principaux des pourvoyeurs de la voiture électrique, à savoir son rendement bien supérieur à celui d'une thermique. Car si il est coutumier d'entendre que la voiture thermique est totalement obsolète, avec un rendement avoisinant les 40% (36% pour l'essence et 42% pour le diesel, bien que cela varie d'un moteur à l'autre, d'une monte de pneus à l'autre [etc.] et que ce sont des moyennes approximatives) contre 90% pour la voiture électrique, nous allons voir que finalement les choses sont un peu plus subtiles et équilibrées que ça ...
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Quand on parle de 90% de rendement pour les véhicules électriques, c'est en réalité un biais qui est assez trompeur voire même malhonnête... En effet, se limiter à observer le rendement uniquement au niveau du moteur électrique est une aberration qu'aucun journaliste ne semble prendre en compte. Il faut dire que la capacité d'analyse de la profession sur les sujets techniques semble s'être un peu altérée ces dernières années (pas seulement concernant l'automobile), un phénomène qui touche toutes les couches de la société (et notamment moi, très loin d'atteindre l'excellence ! Mais je suis à l'image de mon époque et de la société qui m'a élevée ...).
Malgré cela, nous allons essayer ici d'affiner un peu plus la chose, ce qui permettra par la même occasion de mieux comprendre et évaluer la chaîne énergétique concernant le ravitaillement de nos chères voitures électriques.
Nous allons dans un premier temps nous limiter à l'électricité au départ de la centrale, et donc nous n'allons pas intégrer le fait que le type de centrale joue beaucoup sur le rendement de l'ensemble. J'inclurai toutefois une petite réflexion à la fin de l'article sur ces éléments, et même un peu plus avec un schéma qui prend en compte le rendement dans les centrales thermiques (majoritaires).
Attaquons maintenant le dur du sujet en détaillant les différentes étapes de l'exploitation énergétique d'une voiture électrique. Les chiffres que je vais prendre sont approximatifs et sont repris de ce que l'on peut voir sur l'Ademe. Ces approximations découlent du fait que les pertes varient d'un réseau électrique à l'autre, d'une voiture à l'autre (selon l'efficience des équipements embarqués : redresseur, type de moteur [rotor, stator] etc. etc.) et même d'une température à l'autre (on verra ça plus tard).
Pour mener cette explication, nous allons partir d'un exemple dans lequel on a 100 kWh à la sortie de la centrale électrique, un chiffre bien rond qui favorisera la compréhension et les notions de rendement.
La première étape consiste donc à acheminer le courant vers votre maison, et pour ça il faut qu'il traverse de longues distances par le biais de câbles. La principale perte est induite par l'effet Joule (80% environ), à savoir la chaleur générée dans les câbles (si on pouvait réduire la température des câbles à -273 degrés, le 0 Kelvin donc, on pourrait profiter de la supracondictivité sans perte, je vous invite à écouter Julien Bobroff pour creuser le sujet). Heureusement, l'humanité a opté pour du courant alternatif, ce qui réduit largement l'effet Joule dans le réseau électrique.
Ensuite nous avons 20% au niveau des différents transformateurs et des pertes dans l'air (plus ou moins selon le temps : température et humidité). Plus d'infos sur le sujet ici.
En tout, la perte liée à l'acheminement dans votre maison s'élève à environ 10% (variable selon réseau et conditions climatiques).
Nos 100 kWh sont ici réduits à 90 kWh.
Maintenant qu'on a le courant à la maison, il faut l'injecter dans la batterie de traction. Il s'agit ici de produire une réaction chimique dans cette dernière en lui injectant des électrons (on injecte côté - et on les "aspire" côté +, suivre le lien précédent pour mieux comprendre), car il faut bien savoir que la chimie est en réalité composée de réactions électriques / magnétiques au niveau atomiques. Les atomes s'associent ou se dissocient grâce à la force magnétique (ces derniers sont composés d'électrons négatifs et des protons positifs), et ils peuvent aussi perdre une partie de leur couche électronique pour les mêmes raisons (ionisation etc.)
Bref, dès qu'on transforme l'énergie on induit des pertes, et ici on va utiliser du courant (des électrons) pour remettre à l'état d'origine la batterie (et donc qu'il y ait un déséquilibre entre les bornes plus et moins, plus il y a de différence plus le voltage est élevé).
Si il pourra y avoir une petite variation entre une charge rapide en courant continu et une charge lente en courant alternatif, le chiffre retenu sera aux environs de 12% de perte.
Nos 90 kWh sont ici réduits à 79.2 kWh.
Nous arrivons enfin à la dernière étape, à savoir le transit du courant entre la batterie et le moteur électrique. Les choses se compliquent un peu dans le fait que le rendement n'est pas le même entre les moteur à réluctance variable (93% dans les hauts régimes), à aimant permanent synchrone (90% et même un peu plus à bas régime) ou à bobinage induit asynchrone (80 à 88%). Cela va donc grosso modo de 80 à 93%, ce qui n'est pas si anecdotique en terme de différence ...
Il faut ajouter à cela la perte côté batterie (changement chimique qui induit des pertes, tout comme l'effet Joule) mais aussi côté onduleurs et transformateur (électronique de puissance qui gère et modifie les flux allant de la batterie vers le moteur).
Allez, tranchons pour 85% pour avoir une estimation équilibrée.
N'oublions pas enfin de mentionner que le rendement chute quand les températures sont basses, surtout au début du trajet quand la batterie est froide (et donc une électrique a le même défaut qu'un thermique concernant cet aspect). Cela est lié au fait que la réaction chimique dans les batteries est moins "bonne" quand il fait froid.
On aura donc un rendement à chaud de 85% et plutôt 75% quand la batterie sera froide.
Nos 79.2 kWh sont ici réduits à 67 kWh si on prend une perte de 15% (dans des conditions idéales donc).
C'est le moment de tout compiler, à savoir la chaîne énergétique de la centrale à vos roues. Voici un schéma qui résume la chose.
Au mieux la voiture électrique a un rendement de 67% au départ de la centrale
On a donc une perte de 10% de la centrale à la maison, 12% de la prise à la batterie et enfin de 10 à 25% de la batterie au moteur (selon la température, le type de moteur et l'efficience des différents composants de type redresseur etc.).
Au global, cela constitue un rendement qui varie de 60 à 70% environ, et c'est donc bien pire si on prend en compte les pertes du côté des centrales (et que ce soit thermique, éolien ou panneaux solaires, les problèmes sont les mêmes).
Il est donc erroné de se mettre en tête un rendement de 90%, cela occulte trop de paramètres ... Cela induit aussi que la facture d'électricité sera plus importante que le nombre de kWh qui seront utilisés au niveau de vos roues.
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Le mot rendement peut être étudié sous plusieurs aspects : économique, écologique et énergétique même si il faut reconnaître que ces deux derniers sont étroitement corrélés.
Si on s'attarde sur les notions écologique et énergétique, on prendra alors en compte l'ensemble de la chaîne (qui reste toutefois partielle, voir le dernier paragraphe) que j'ai décrit plus haut. Si on se limite au "rendement financier" du propriétaire de la voiture il faut bien évidemment débuter la chaîne à partir de la prise de courant.
Dans ce cas, le rendement de 60 à 70% grimpe alors plutôt à 70 / 80%. C'est à dire que l'auto utilisera au niveau des roues 70 à 80% de l'énergie que vous avez payée.
Si l'on voulait considérer le rendement sur l'ensemble de la chaîne, il faudrait alors prendre en compte celui de la centrale productrice. On est à environ 35 à 45% (centrales modernes à haut rendement, peu nombreuses) pour le charbon, 35 à 70% pour le gaz (selon technologie encore une fois), 35% pour le nucléaire (mais ça n'émet presque pas de CO2 ...) et 35 à 50% pour les centrales à fioul lourd (à pétrole donc).
J'ai inclus ici le rendement de la centrale électrique, à savoir que j'ai choisi comme moyenne 40%, ce qui me paraît être raisonnable.
Si on prend en compte toute la chaîne, alors la voiture électrique a un rendement qui avoisine celui d'une thermique, et c'est logique à partir du moment où ce sont des générateurs thermiques qui produisent la grande majorité de l'énergie électrique. Mais cela n'empêche pas que l'électrique garde une petite longueur d'avance au global (même si ça dépend toujours du type de carburant qu'on met dans l'auto [éthanol, diesel etc.] mais aussi de la manière de produire l'électricité du pays dans lequel je me recharge).
Résumons donc, j'ai 100 kWh de combustible qui arrive par camion à la centrale (soyons honnête, plus de 80% des centrales sont thermiques) avec un rendement d'environ 45% au niveau de la turbine et un rendement de 90% au niveau de la génératrice. Car il faut savoir que le moteur thermique de la centrale a un rendement de 45% (jusqu'à 50% en fioul lourd) et la génératrice électrique qu'il fait tourner est à 90%, soit 40% de rendement de la part de la centrale (grosso modo .. Chaque centrale a son rendement propre qui dépend de tout un tas de petites variables annexes). Je perds ensuite 10% sur le chemin pour livrer l'électricité à votre domicile (trajet sur la ligne / effet Joule ainsi que les différents transformateurs rencontrés). De ma prise domestique à la batterie je vais perdre entre 5 et 15% (voir ici pour quoi il y a des pertes). Et enfin, de ma batterie au moteur je vais perte a minima 15% entre le rendement du moteur (entre 88 et 93%) et la perte lié à l'effet Joule et le changement de la chimie dans la batterie qui se décharge (transformation = perte).
On a donc ici un rendement de 27% si on démarre l'étude à la sortie de la raffinerie de pétrole, ce qui est nécessaire si on veut comparer à la voiture thermique.
Cette avance n'est donc pas aussi importante qu'on veut bien le croire, et Bosch le dénonce largement (il y a aussi des histoires de lobbys et d'intérêts financiers qui se cachent derrière, sachez-le bien ! L'Europe mettant le paquet sur l'hydrogène afin de tenter de limiter la casse suite à l'erreur faite de construire des milliers d'éoliennes, la batterie au lithium n'est pas appréciée de l'industrie européenne. L'électricité inutilisée produite par les éoliennes et panneaux solaires ne sera potentiellement plus perdue, car convertie en hydrogène via l'électrolyse).
Il ne faut pas non plus oublier les influences de la largeur des pneus ainsi que le rapport de pont (différentiel entre moteur et roues), et bien entendu le poids qui varie surtout en fonction de la taille de la batterie.
Sans oublier que le froid réduit beaucoup le rendement des électriques, à savoir environ 20% en moins !
De plus, si on veut comparer avec la voiture thermique, il faut estimer le rendement de l'extraction (nombre de barils employés pour en extraire d'autres) du pétrole, son raffinage (pour extraire du diesel ou de l'essence par exemple) et son acheminement vers les stations essence distributrices. Mais il faut aussi admettre que la majorité de l'énergie exploitée par les voitures électriques vient elle aussi du pétrole (centrales électriques au fioul lourd), et donc il y a bien un tronc commun au niveau de la source énergétique entre voiture électrique et thermique. Enfin, il faudrait au final ajuster les chiffres pour obtenir des valeurs à poids égal, car la voiture électrique pèse plus lourd et nécessite donc un peu plus d'énergie au niveau des roues pour se propulser.
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