Il fut un temps – pas si lointain – où tout propriétaire de voiture pouvait, s’il le souhaitait, diagnostiquer une panne par lui-même. Il suffisait d’un boîtier OBD ou d’un petit outil multimarque pour lire les codes défauts et, dans certains cas, les effacer. C’était simple, accessible, et surtout libre.
Mais cette liberté est en train de disparaître, remplacée par une logique verrouillée, temporaire, payante, souvent opaque. Un système dans lequel vous n’êtes plus réellement maître de votre propre voiture, même pour les opérations les plus basiques. Lire une panne ou réinitialiser un voyant devient aujourd’hui un acte sous conditions, encadré par des plateformes, des identifiants, et des jetons numériques à usage limité.
Ce ne sont pas seulement les garagistes indépendants qui en souffriront (eux peuvent encore répercuter les coûts sur la facture). Ce sont surtout les particuliers et passionnés, ceux qui ont toujours entretenu leur voiture eux-mêmes, par passion, par économie ou simplement par principe. Ce sont eux qui se retrouvent dépossédés d’un droit fondamental : celui de comprendre et d’agir sur leur propre machine.
Les constructeurs justifient ce blocage par une raison en apparence légitime : la sécurité des véhicules. Il s’agirait d’empêcher les pirates d’entrer dans les calculateurs, de reprogrammer des fonctions sensibles ou même de désactiver les aides à la conduite. Très bien, c’est louable sur le papier.
Mais cette explication tient moyennement la route quand on s’aperçoit que ce verrouillage s’applique même aux opérations les plus simples : lire un code défaut, l'effacer après réparation voire simplement accéder aux informations de maintenance ou réinitilisliser des choses (ex : témoin de vidange).
En réalité, ce sont surtout les petits garages et les automobilistes bricoleurs qui se retrouvent coincés, pendant que les concessions gardent elles, un accès total via des outils propriétaires.
Bienvenue dans le monde merveilleux du diagnostic sous contrôle. Pour accéder à certaines fonctions sur les modèles récents il faut désormais :
Un tokken donne généralement accès pendant 24 heures à un ou plusieurs calculateurs. Ensuite, il faut repasser à la caisse. Cerise sur le gâteau : ces jetons expirent au bout d’un an, utilisés ou non. Une logique proche de celle des cartouches d’imprimante qui sèchent même si on ne les utilise pas…
Voici par exemple un document officiel de Peugeot qui vous vend 30 euros le jeton.
Soyons honnêtes : si les marques étaient vraiment motivées par la seule cybersécurité, elles proposeraient un système d’identification robuste, certes, mais sans paiement systématique. Le problème, c’est que ce système de tokken rapporte de l’argent, tout en incitant (forçant ?) les clients à retourner en concession pour la moindre opération à faire nécessitant une connexion à l'OBD. Et devinez quoi ? C’est justement l’après-vente et l'entretien qui génèrent les plus grosses marges chez les constructeurs. On vous impose donc ce manière indirecte d'aller chez eux ... En ces temsp difficiles, les moyens mis en oeuvre pour vous imposer d'aller en concession dépasse largement le cadre de la déontologie ...
Ce verrouillage de l’OBD, c’est donc aussi (et surtout) une stratégie commerciale bien huilée, habillée d'arguments douteux pour faire passer la pilule.
L’Union européenne a récemment mis en place un indice de réparabilité pour les produits électroniques, notamment les smartphones et les ordinateurs. Une excellente idée. Mais pourquoi ne pas l’appliquer aux voitures, elles aussi de plus en plus électroniques ? Car si un téléphone prend des points en plus quand on peut changer sa batterie facilement, qu’en serait-il d’une voiture dont l’accès au diagnostic est verrouillé par des jetons temporaires payants ?
Soyons clairs : le blocage de l’OBD ferait chuter cette note de réparabilité. Et il serait bon que cela apparaisse noir sur blanc, pour que les automobilistes sachent à quoi s’attendre avant l’achat.
Face à ces restrictions croissantes, certaines voix s’élèvent en Europe. Le principe du “Right to Repair” (droit à la réparation) est censé garantir un accès équitable aux outils et aux données nécessaires à l’entretien. Mais les constructeurs avancent leurs pions plus vite que la réglementation ne s’adapte. Résultat : ce qui était hier un droit d’accès libre devient aujourd’hui une option payante, verrouillée par mot de passe et limitée dans le temps.
Le verrouillage progressif de l’accès OBD soulève une vraie question juridique. En Europe, le règlement UE 2018/858 impose aux constructeurs de fournir aux réparateurs indépendants un accès non discriminatoire aux informations techniques nécessaires à l’entretien et à la réparation des véhicules. Cela inclut notamment les données de diagnostic, les codes défauts et les procédures de maintenance. En théorie donc, le droit d’accéder aux fonctions OBD est garanti pour tout professionnel, et même pour les particuliers dans une certaine mesure.
Mais dans la pratique, les constructeurs exploitent une zone grise : ils ne bloquent pas totalement l’accès, ils l’encadrent par des passerelles de sécurité (SGM, Security Gateways) et des systèmes d’authentification. Officiellement, ils respectent la loi en maintenant un accès possible… moyennant un compte, une connexion, un paiement, et parfois un système de jetons temporaires.
Cette logique respecte le règlement, mais certainement pas son esprit, qui visait à préserver une certaine équité entre les acteurs. Plusieurs fédérations de réparateurs indépendants (comme la FIGIEFA ou l’Alliance for the Freedom of Car Repair) dénoncent ces pratiques, qui restreignent en réalité la concurrence et rendent la réparation plus coûteuse, moins accessible, et dépendante de la bonne volonté du constructeur.
À l’heure actuelle, aucune jurisprudence claire n’a encore sanctionné ce type de verrouillage, mais le débat est ouvert, et des actions pourraient émerger au niveau européen pour clarifier — voire restreindre — ce genre de pratiques.
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